Une chronique d’Elise Feltgen
Le Temps qu’il fait
Mellionnec – 22
Juste avant le confinement, j’avais reçu à la librairie un livre édité aux éditions Wildproject dans la collection Petite bibliothèque d’écologie populaire dont le titre avait retenu mon attention
Le livre est-il écologique ?
Dans la plupart des cas, la réponse est évidemment non. La chaîne du livre répond à des logiques marchandes et mondialisées et se préoccupe assez peu de l’état de nos écosystèmes, sauf lorsque la thématique devient tout à coup rentable et qu’il faut alors se presser de sortir des nouveautés (imprimées à l’étranger sur des papiers provenant en grande partie d’Amérique du sud) sur la permaculture ou la fabrication d’éponges en tissus recyclés.
En tant que libraire, passionnée par les questions soulevées par les sciences humaines et l’écologie actuelle, je m’étais souvent posée la question, sans aller beaucoup plus loin devant l’ampleur du problème : nombre hallucinant des publications annuelles et pilonnage intensif, provenance des papiers, imprimeurs délocalisés, transports, emballages, normes FSC et PEFC insuffisantes ( à propos de la gestion des forêts de notre territoire, je vous conseille d’ailleurs l’excellent documentaire de F.X. Drouet, Le temps des forêts)…
Si j’avais voulu présenter en rayon seulement des livres fabriqués de façon écologique, ma sélection aurait été de beaucoup amoindrie et c’est un euphémisme !
Heureusement, vous auriez pu trouver dans la librairie quelques très bon titres, édités notamment par Wildproject ou Zones sensibles.
Et à quoi ressemblerait une librairie dans un monde différent ?
Un tel lieu aurait-il un sens ? ça j’en suis persuadée mais comment pourrait-il exister si justement la chaîne du livre se mettait à dysfonctionner ?
Dans le contexte actuel de pandémie, cette question devient brûlante. J’ai donc ouvert le livre : en 2019, une association pour l’écologie du livre a été crée par différents acteurs et actrices du monde du livre et de la lecture, dans l’idée « d’œuvrer à la diffusion des idées de l’écologie » auprès de l’ensemble de la filière.
ecologiedulivre.org
Ce petit ouvrage, Le livre est-il écologique ?, donne une idée des réflexions passionnantes menées par ce collectif. Il commence avec l’interview – déjà publiée dans Un sol commun, Lutter, Habiter, Penser, Marin Schaffner, Wildproject – de la libraire Anaïs Massola qui expose l’importance du métier de libraire pour la préservation de la bibliodiversité.
Nous entendons aussi le point de vue d’un éditeur – Alexandre Laumonnier, Zones sensibles – soucieux des questions écologiques. L’autre bout de la chaîne n’est pas éludé, car l’entretien suivant est mené avec le forestier Daniel Wallauri engagé chez WWF France.
Le grand mérite de ce tout petit livre est aussi d’y avoir réuni quelques nouvelles d’éco-fictions, qui imaginent des librairies d’un genre nouveau. Si toutes les propositions ne m’ont pas également séduites, la démarche est à saluer, car c’est en faisant bouger les imaginaires qu’on peut espérer construire quelque chose de différent.
Imaginons donc une autre façon de concevoir la vie d’un livre
quelle que soit notre place dans cette chaîne
éditeur/trice, libraire & aussi lectrice et lecteur.