Un corpus universel
à découvrir en lectures
de 1801 à nos jours
En ce début d’année 2021, quelques coups de cœur incontournables
issus du matrimoine littéraire en Bretagne.
De 1801 à nos jours, invitation à découvrir un corpus universel
Fanny Raoul
St Pol de Léon 1771 – Paris 1833
Née en Finistère, Fanny Raoul écrit en 1804 un essai très percutant Opinion d’une femme sur les femmes. Disponible sur le site Gallica (BNF), publié en 2011 par Geneviève Fraisse aux éditions du Passager clandestin, ce texte pense le sort des femmes dans une société française appelée à évoluer :
Il importe donc de changer le sort des femmes, et de les sortir du néant où l’opinion les replonge ; je dis même que la réforme d’un peuple doit commencer par elles, et que le législateur n’aura rien fait d’utile et de permanent, s’il ne les rend garants de la constitution nouvelle.
Dans ses écrits, elle prône l’égalité civile et politique des individus, milite pour le droit à l’éducation et au travail des femmes, dénonce toutes les injustices qu’elles soient sexistes, racistes et sociales. Deux siècles plus tard, la pensée de Fanny Raoul est en écho avec l’actualité.
Claire de Duras
Brest 1777 – Nice 1828
A l’instar de Fanny Raoul, Claire de Duras incarne cette lente ascension des femmes vers la scène littéraire. Elles écrivent mais n’assument pas le titre d’autrice car le « je » féminin est éminemment subversif. Femme de lettres, elle est aussi une aristocrate influente sous la Restauration. Elle accompagne notamment la carrière politique de Chateaubriand avec lequel elle lie amitié et nourrit une correspondance publiée en 2019 (Gallimard). Dans le recueil de nouvelles, Ourika. Édouard. Olivier ou le Secret (folio classique), Claire de Duras met en scène des personnages attachants, fragilisés et peu à peu marginalisés par leurs origines familiales ou sociales.
Son écriture classique porte des textes sensibles et des thèmes très contemporains comme le racisme, le déclassement social, l’identité masculine.
Hélas ! Je n’appartenais plus à personne ;
j’étais étrangère à la race humaine toute entière.
Ourika (Folio/Gallimard)
Marie Le Franc
Sarzeau 1879 – Saint-Germain-en-Laye 1969
Marie Le Franc s’immerge dans les paysages et donne à la nature une place centrale dans ses romans. À la fois omniprésente et invisible, elle accompagne les personnages dans leurs aventures initiatiques, sensibles et sensuelles. Prix Femina en 1927 pour son roman Grand Louis l’innocent (Liv’éditions), Marie Le Franc a vécu entre la Bretagne et le Canada et nous offre des romans captivants dont Hélier, fils des bois. Cette histoire se déploie au cœur des Laurentides, région de lacs dont un porte le nom de l’autrice. Une œuvre incontournable incarnée dans des décors somptueux et naturels.
Par-dessus l’épaule de Julienne, il ouvrit les yeux, il regarda la forêt.
Et la forêt pénétra son regard, se fondit en lui, l’épousa, le caressa, l’approuva,
puis se referma dessus comme une paupière.
Hélier, fils des bois (PUQ)
Jeanne Nabert
Pont-Croix 1883 – Pont-Croix 1969
Jeanne Nabert-Néis ausculte avec précision les us et coutumes de ses contemporains. Dans son roman à la fois sombre et jubilatoire, Le cavalier de la mer (Coop breizh), elle met en scène un village breton à l’heure de la troisième république. Son écriture vive et ciselée campe des personnages en prise avec le poids des conventions et de la religion.
Mme Hélias se sentait sans défense contre les attaques des rouges et des blancs à la fois.
Si, pour les uns, elle gardait un relent d’eau bénite parce qu’elle allait à la messe,
elle était cependant, pour les autres, la directrice de l’école du diable qui avait chassé les sœurs du Saint-Esprit.
Gaëlle Pairel, coordinatrice de la FCLB &
spécialiste du matrimoine littéraire en Bretagne de 1801 à nos jours.