Karine Fougeray
éditions delphine montalant – Queyrac – 16 €
Une narration en trois temps – 1986 – 2008 – 1998 – tisse le destin de Blanche-nègre, bébé albinos, rejeté par sa famille et adopté par Charlotte Kerimer :
Khady ne supporte pas que la toubab qui a couché avec son père lui enlève son souffre-douleur. Tout est donc de leur faute à ces deux-là. Sa mère morte, son père enfui. Le pire est sans doute la belle éducation que va recevoir sa petite soeur. Et pas elle. Alors la jalousie devient incontrôlable et la haine s’installe.
2008 – Quelques touristes débarquent de la pirogue pour passer une semaine de vacances sur cette île d’Afrique. Il y a Louise et Sébastien, jeunes mariés amoureux, que ce bref séjour africain va révéler l’un à l’autre. Il y a Suzanne, 10 ans, qui accompagne ses parents : son père la tête pleine de clichés et d’idées reçues, sa mère venue bronzer sur la terrasse de la case. Suzanne s’échappe de cette ambiance étriquée et part explorer ce bout d’Afrique qui lui semble d’emblée si familier. Elle rencontre Blanche-nègre, ses secrets, son grand destin de future « première femme marabout albinos au monde ». Elle découvre aussi la liberté et un monde fascinant dont elle ignore tous les enjeux et les dangers. Dans son envie de défendre sa nouvelle amie qu’elle admire tant, Suzanne réveille le désir de vengeance de Khady. Dévastateur.
C’est l’Afrique qui semble dévoiler les êtres mis à nu au contact de cette terre moite et chaude, sensuelle et rugueuse. Dans une nature omniprésente et parfois oppressante, Karine Fougeray met en scène ces touristes incapables de communiquer, figés dans des attitudes stéréotypées, sans désir réel d’écouter ce que le pays leur raconte. Seules Suzanne et Louise sont en dialogue avec cette terre dont elles ressentent toute la violence et toutes les beautés. L’épilogue tragique de cette semaine de vacances fait exploser tous les faux-semblants et invite Louise et Suzanne à se saisir de cette vérité et de la métamorphose qui s’offrent à elles seules. Dans une tension savamment distillée, Karine Fougeray nous offre un roman plein de questionnements sur le rapport à soi, à l’autre, sur la sincérité des liens que l’on noue, sur sa capacité à se mettre en mouvement. Un nouvel opus puissant qui nous plonge dans un univers âpre, foisonnant, vivant.