Dima Abdallah
Mauvaises herbes
Sabine Wespieser éditeur – 2020 – 20 euros
Pour engager la conversation, il me montre souvent telle ou telle plante
en pot sur le balcon
et m’apprend le nom de chacune d’elles.
Il frotte sa main sur l’origan ou la marjolaine et me fait sentir ses doigts.
Au cœur d’un Beyrouth dévasté par la guerre civile, un père et une fille se racontent mutuellement, pudiquement. Entre bombardements & déménagements, le père écrivain et la petite fille se réfugient sur des balcons où les plantes aromatiques nourrissent des instants suspendus et partagés. Jusqu’à la séparation lorsque le père décide de rester dans son pays mais laisse partir femme et enfants vers Paris. Pour fuir le chaos du Liban et le désespoir du père impuissant face à l’absurde et au danger. Au fil du roman, ce dialogue silencieux opère avec force et émotion & la petite fille devenue une jeune femme est bouleversante. Telle une funambule, elle s’élance et s’égare avant de poser son sac à dos et de faire la paix avec cette vie d’exil.
Je ne sais plus ni quand ni comment c’est arrivé. Je ne sais plus ni quand ni comment l’oxygène a réussi à se frayer un chemin jusqu’au fond de mes poumons.
Cette histoire de l’oubli – celui d’un pays, d’une langue notamment – est aussi celle des rendez-vous manqués, de cette part d’invisible qui nous lie à l’autre, à la vie, par les mains réunies. C’est encore l’histoire d’une enfant qui, comme les Mauvaises herbes, creuse son sillon malgré l’adversité & trouve sa voie vaille que vaille. Au fur et à mesure que le destin singulier de cette famille se déploie, l’écriture de Dima Abdallah évolue. Elle devient très vite ample et fluide et nous offre un roman remarquable, plein de vie et d’espoir.
à découvrir lors de cette rentrée littéraire 2020