Les libraires de la Fédération des Cafés-librairies vont, dès la rentrée, partager avec vous leurs coups de coeur.
En avant première, une chronique du nouveau roman de
Valentine Goby
Un paquebot dans les arbres
Éditions Actes Sud, 267 pages – 19,80 Euros
En librairie depuis le 17 août 2016
Quand elle est prête elle entre en scène et s’enfonce droit parmi les danseurs. Elle veut être dans la turbulence, planquée et poreuse. Droite, gauche, droite gauche droite. Elle danse à pas étroits. Un cha cha, deux cha cha, trois cha cha. Autour, des garçons et des filles en rempart, l’odeur de sueur, de talc, de Cologne, au-dessus les lumières blanches qui font des taches devant tes yeux quand tu les fixes plusieurs secondes. Droite, gauche, droite gauche droite.Ce n’est pas l’accomplissement d’une juste chorégraphie qui électrise Mathilde, c’est le mouvement lui-même, comme courir, nager, bondir, sauter, grimper, joie pure du mouvement
Tout est affaire de corps dans ce roman de Valentine Goby, récit sensible et puissant. Corps qui s’aiment avec pudeur et force. Corps qui luttent contre la maladie, la faim, les malheurs qui frappent. Corps qui s’affranchissent de la douleur, de l’enfermement et de la misère ambiante par la danse, la musique, l’amour, l’éloignement, la mort.
Tout commence au Balto, le café du père, Paulot, et son harmonica qui distribue la joie de vivre aux clients de la Roche-Guyon. Puis, la tuberculose fait imploser la vie de la famille. Paul et Odile, les parents, partent au sanatorium d’Aincourt, Annie la sœur aînée s’échappe, Mathilde, la cadette, et Jacques le petit dernier sont répartis dans des familles d’accueil.
Mathilde se bat contre le mépris des uns, la condescendance des autres, la misère, l’inconséquence de ses parents. Elle met sa vie au service du bonheur des siens jusqu’à l’épuisement, la perte de Mathieu, l’oubli de soi.
Après la chute, Mathilde se remet en mouvement, se libère de toute pesanteur sans rien renier de l’amour qu’elle porte aux siens.
Un paquebot dans les arbres raconte la France des années 50 et 60, des bals populaires, de la guerre d’Algérie, des exclus des Trente Glorieuses. Un décor contre lequel se frotte Mathilde, adolescente bouleversante, qui refuse ce qui semble écrit d’avance. Cette énergie à vivre et à aimer, ce goût des autres, cette quête de soi sont portés par une écriture incisive et sensuelle.
Un roman haletant, intense et lumineux
Gaëlle Pairel , coordinatrice de la FCLB