Chronique littéraire

Le grand Youp’lala

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Dorothy Clark – Becky Palmer
BOB et Lola
Le grand Youp’lala
éditions Sarbacane – 15,50 euros – 2017
à partir de 3 ans

J’ai soif ! s’écrie Bob.
Slurp…slurp…
Splash ! Oups ! J’ai renversé
mon jus…gémit Lola

Onomatopées à gogo, jeux de son & jeux de mots, jeux de rythme et jeux de comptage…Cet album est aussi vitaminé que le tube planétaire de Gene Vincent : Beep Bop a Lula. La fête se prépare et nous suivons les deux éléphanteaux dans les préparatifs de la soirée d’anniversaire de leur papa. Toute la journée, Bob et Lula s’en donnent à coeur joie. Ils aident leur maman sans oublier de s’amuser : sauter sur les passages piétons 1, 2, 3, glisser sur la rampe d’escalier ou dans les rayons du supermarché accroché(e) au caddie WOUIZ !, coller les étoiles TAC !, gonfler les ballons Ffff ! Ffff !, se déguiser en girafe et en crocodile scratch…, se cacher Chhhhuuut……Et, enfin dormir Zzzz ZZZZ ZZZZ !

Un album joyeux dont le rythme décoiffant nous emporte dès le saut du lit de Bob et Lola  jusqu’à leur coucher bien mérité (et celui de leurs parents !). En s’amusant au fil des pages, les petits se familiarisent avec les notions de temps et d’espace, de prudence et de témérité, de langage et de comptage. Le dessin vif et coloré fourmille de détails drôles et poétiques, son crayonné épouse à merveille l’agitation heureuse de cette maisonnée. Un livre qui invite à dévorer la vie.

 

Gaëlle Pairel, coordinatrice de la Fédération des Cafés-librairies de Bretagne

 

Etats d’âme ados

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Bruna Vieira – Lu Cafaggi
Les secrets de Brune 
L’amie parfaite
éditions Sarbacane – 15,50 euros – 2017

J’ai décidé de changer d’école parce que je voulais fuir. C’est ça mon secret. Demain, c’est le premier jour de classe, et je n’ai aucune idée de comment ça va se passer. C’était censé être comme affronter une page blanche, mais la mienne est déjà toute griffonnée. Et j’ai peur de ce que les autres vont penser de moi.

 

Dès la première page de cet album, on pénètre dans la chambre de l’héroïne : l’antre de tout adolescent en proie à ses états d’âme. Pour des raisons que l’on ignore, Brune est en fuite de son passé. Elle est à la veille de la rentrée dans un nouveau collège et cette confrontation à un nouvel environnement lui fait peur. Elle nous confie ses coups de blues, son trac, ses espoirs en même temps que nous la suivons dans cette journée de tous les dangers. Comment s’habiller, se maquiller, être aux autres, se rassurer, s’aimer telle que l’on est, ne pas regretter ses choix ?

Bruna Vieira, jeune bloggeuse brésilienne, a posté son carnet intime sur You tube avant d’être publiée. Très suivie par sa génération, cette adolescente cherche sa place et part à la conquête de ses pairs du moins dans sa tête. Elle aimerait oser aller vers les autres mais ses rêves restent inachevés. La timidité l’emporte sur l’envie :

Allons-y…socialisons.socialisons…Avec…la classe. Avec la bande. Salut les copains

Très juste sur le vague à l’âme ado et la difficulté de devenir, les aventures de Brune sont illustrées par Lu Cafaggi, autre jeune blogueuse brésilienne. Le dessin est coloré, tendre, sensuel, subtil. Il incarne parfaitement les pensées et les émotions de la narratrice. Ainsi, Brune apparaît minuscule lorsqu’elle arpente les couloirs de son nouvel établissement. Et quand il s’agit d’affronter le regard des autres élèves, elle devient gigantesque et occupe tout l’espace quand elle voudrait disparaître.
Une chronique à la fois narcissique et ouverte à l’autre. L’héroïne souhaite créer le dialogue avec les lecteurs et lectrices en les interpellant et en échangeant play-list réconfortante et coups de coeur littéraires au fil des chapitres. Un joli album qui révèle le talent de deux jeunes brésiliennes en phase avec leur époque.

Gaëlle Pairel, coordinatrice de la Fédération des Cafés-librairies de Bretagne

 

Tous à la plage

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La plage
Sol Undurraga
éditions l’agrume – 16,00 € – à partir de 2 ans

Plage

Dans un village au bord de la mer, une nouvelle journée commence. De l’aube – avec le départ des pêcheurs – à la nuit – propice aux promenades – cet album nous présente de manière originale une journée à la plage. La vie est présente tout au long de la journée et l’on voit les différentes communautés, travailleurs puis vacanciers se succéder sur cet espace qu’ils partagent à des heures différentes. Les illustrations, au style graphique très marqué fourmillent de détails. Petit plus, le lecteur attentif peut également suivre, page après page, un groupe d’animaux dans leurs aventures loufoques.

Agnès Godin, La Cabane à Lire, Bruz

Voilà l’été…voilà l’été…

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Comment maximiser (enfin) ses vacances
Anne Percin
Rouergue – 14,90 € – 
à partir de 12 ans

PIERCIN

Et soudain, ça m’a frappé comme la foudre. J’ai réalisé que ça y était, pour de bon ! On allait vraiment partir, tous les huit ! Mon groupe, mes potes, ma zouz et moi….C’est tout moi, ça. Je fonce tout seul au combat en poussant des cris de guerre, et quand je me retourne pour voir si mon armée me suit, je m’aperçois qu’ils sont tous restés au camp à manger des nouilles. 

Maxime a eu son bac, raté Science-Po mais trouvé un contrat sur la côte Atlantique pour jouer avec son groupe de rock. Il embarque toute sa tribu dans cette épopée : son groupe bien sûr mais aussi sa petite amie, ses deux meilleurs amis ( une mention spéciale pour « sa Kevinerie ») et … sa petite sœur. à eux le festival des moules d’Arcachon, la vie au camping, les engueulades, les amours d’été et la musique, toujours la musique. C’est Maxime, héros imparfait, bourré de défauts, irritant mais irrésistiblement drôle et attachant, qui va nous raconter son été en s’adressant directement à nous, lecteur.

Même si l’on n’a pas lu les précédents volets (c’est le quatrième titre de la série) on peut se plonger avec délices dans les aventures loufoques de Maxime et de sa bande, les notes de bas de page, drôlissimes, résumant parfaitement la situation.

Un roman qui respire la joie de vivre, même dans les moments de tension, idéal pour les vacances, à déguster sur la plage ou à l’ombre au camping ; On s’y voit déjà. Pour ceux qui ne partent pas, il faut prendre le temps d’écouter la play-list qui rythme la lecture, titres repris par le groupe de rock ou écoutés dans la voiture descendant vers le sud. Cette bande son est l’occasion de découvrir, ou redécouvrir, des groupes que l’on n’aurait peut-être pas écouté …

Agnès Godin, La Cabane à Lire, Bruz

La gouvernante suédoise

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Marie Sizun
La gouvernante suédoise
éditions arléa – 2016 – 307 pages – 20 euros

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Bientôt se levait, avec le souvenir des récits de tante Alice,
tout un passé 
semé d’ombres et de silences.

L’histoire familiale se conjugue au passé dans ce neuvième roman de Marie Sizun. La narratrice retisse les liens d’amour et d’amitié vécus par ses ancêtres : Livia, Hulda et Léonard. En 1873, Livia entre au service du jeune couple franco-suédois, Hulda et Léonard, en qualité de gouvernante. Hulda est une mère tendre mais débordée. Réticente à confier ses enfants, elle se laisse rapidement conquérir par cette jeune femme Livia dont l’autorité naturelle la rassure. Elles se lient d’amitié et leur vie à Stockholm se déroule dans un bonheur serein partagé par tous. Les affaires de Léonard les obligent à déménager en France, à Meudon. La famille connaît alors des problèmes financiers et vit dans un huit-clos mortifère. La relation amoureuse et adultère de Livia et Léonard, le départ de la gouvernante plongent Hulda dans la dépression malgré le retour de Livia et une nouvelle naissance.

La gouvernante suédoise est une histoire d’amour et d’amitié qui se conjugue à trois dans une tension permanente, se lie dans un frôlement, l’intimité de la nuit, un regard partagé, se dénoue en silence pour se recomposer à nouveau. Rien ne peut séparer Livia, Hulda et Léonard malgré la jalousie, l’éloignement, les ressentiments. L’équilibre de Livia, Hulda, Léonard est indissociable de ce trio sans cesse réinventé, aux multiples possibles, aux renoncements douloureux mais silencieux. Marie Sizun nous invite à remonter le temps, à réinventer des vies en compagnie de la narratrice et de ses « peut-être » qui jalonnent la narration. Ses intuitions nous happent et nous attachent à ces trois destins indéfectiblement unis : Livia est lumineuse et retenue, Hulda sensible et passionnée, Léonard apparait énigmatique et charismatique, de plus en plus ombrageux. De Stockholm à Meudon, ce huit-clos est porté par l’écriture délicate de Marie Sizun qui nous brosse chaque tableau par petite touche impressionniste. Nous sommes littéralement plongés dans les décors qui accueillent cette famille et la société bourgeoise de ces années 1867 – 1877. Un très beau roman qui s’inscrit logiquement dans l’oeuvre de Marie Sizun et son thème de prédilection – l’exploration de l’histoire familiale – mais La gouvernante suédoise réinvente avec talent l’univers de cette auteure sensible qui décrypte avec force et pudeur la subtilité des relations humaines.

Le Ver à Soie

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Les éditions Le Ver à Soie

Rencontre avec Virginie Symaniec

au Café-librairie l’Ivraie – Douarnenez

jeudi 29 septembre à 20h30

Information : Tél.09.73.65.03.73

19, rue Voltaire

Virginie Symaniec, fondatrice des éditions Le Ver à Soie*, est actuellement en résidence d’écriture à Douarnenez invitée par l’association Rhizomes**.

L’occasion de faire un focus sur cette jeune et talentueuse maison d’édition qui choisit de décliner le thème de l’exil à travers ses publications. Plusieurs collections, entre romans et albums jeunesse, constituent un catalogue où chaque livre, véritable bel objet illustré par Elza Lacotte, est aussi une source de voyage, d’émerveillement, d’émotions et de réflexions autour de l’ailleurs, du départ…

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La Déesse des vers à soie

D’après un conte traditionnel chinois sur l’exil

éditions Le Ver à Soie – 53 pages – 2014 – 14 euros

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Pendant tout le temps qu’avait duré le voyage, ils s’étaient beaucoup aimés. Chevauchant les airs, ils avaient d’abord commencé à se ressembler. Puis, peu à peu, ils s’étaient métamorphosés pour ne devenir qu’un seul et même être : une jeune femme à tête de cheval, au ventre aussi rond et aussi doux qu’un cocon de soie.

Cannü, jeune fille chinoise belle et intelligente, vit seule avec son père et un cheval blanc qui comprend le langage des hommes. Cannü et le cheval se promettent l’un à l’autre. Désemparé, le père tue alors l’animal. Se sentant coupable, Cannü s’approche de la dépouille et se retrouve soudainement habillée de la peau du destrier qui l’emporte dans le ciel en direction du Printemps. Elle devient la déesse des vers à soie & la légende raconte qu’elle protège les femmes d’un amour médiocre et apporte la richesse. Car lorsqu’elle veut parler le langage des hommes, à la place des mots sort un long et très fin fil de soie source de prospérité pour ceux qui les cultivent.

Les superbes sérigraphies en noir et blanc de Elza Lacotte*** accompagnent avec force et délicatesse ce conte cruel et poétique. Le dessin plein de fougue ou de douceur sort du cadre, se déploie ou souligne avec sobriété l’onirisme et le lyrisme de cette histoire traditionnelle.

Deux autres albums jeunesse sont proposés par les éditions Le Ver à Soie :

Le petit arbre plume, de Pascale Graciet illustré par Elza Lacotte

 

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Une jolie histoire sur un arbrisseau qu’une tempête éloigne de sa famille et qui va réinventer sa vie dans une autre forêt. Ici, le dessin superbe se décline en rouge et noir sur fond vert. Lumineux !

&

Mon cousin Hugo par Coco des Amériques, ill.Elza Lacotte

 

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On retrouve l’esprit voyageur de l’illustratrice Elza Lacotte qui propose ici de très belles illustrations notamment des cartes du monde magnifiques et colorées pour accompagner un texte vif, intelligent, instructif et ludique.

Dans la collection 50 000 signes :

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Mamou de Angi Máté

Prix Sandor Brody en 2009

traduit du hongrois par Zsuzsa Kosza , illustrations de Elza Lacotte

éditions Le Ver à Soie – 77 pages – 2015 – 16 euros

Je m’en lassais vite et je crois que j’aurais même oublié ces pensées, si mamou n’avait pas été une aussi bonne trouveuse de grincements et une si bonne secoueuse de sommeil. Alors comme ça elle disait toujours les pères à mes oreilles trempées de sueur et rouges de sommeil. Alors, à chaque fois qu’elle tournait la mèche et qu’elle sortait le lit, je savais qu’il allait s’ensuivre du secouage et du réfléchir.

Un roman tendre, drôle et émouvant porté par l’imaginaire de la jeune narratrice et sa langue inventive. Ce langage de l’enfance qui pose des images et des sensations sur les situations et les personnes qui les entourent. Une vision impressionniste de la vie offerte à hauteur de cette petite fille qui vit seule avec sa grand-mère après le décès de sa mère. Une mort que Mamou, grand-mère revêche mais néanmoins attentive, semble reprocher à Angyella : « Puis, j’ai appris que je n’avais pas de père, que ma mère est morte. Et ça, mamou le disait comme si elle ne voulait pas le laisser échapper de sa bouche, serrée, et ses yeux ne m’aimaient pas ». Pour échapper à un quotidien triste et parfois violent, la narratrice laisse pousser des jardins sur ses genoux, devient cheval et accumule les bêtises. Mamou est aussi un roman contemporain venu de l’Est de l’Europe qui interroge la place de l’enfant sous les régimes autoritaires. Un très beau 1er roman à lire dès l’adolescence.

 

Gaëlle Pairel, coordinatrice de la FCLB

*Le Ver à Soie

http://www.leverasoie.com/

**Association Rhizomes

http://www.rhizomes-dz.com/

***Plasticienne diplômée de l’École régionale des Beaux-Arts de Rennes : https://elzalacotte.wordpress.com/