Saint Jacques
Gallimard 2021 – 14 euros
Ma chérie,
Tu vois comme c’est drôle, je vais bientôt mourir, je devrais me moquer de tout et pourtant en écrivant « ma chérie », j’ai un haut-le-cœur. Je n’ai jamais su le dire, je n’ai jamais su le prononcer avec tendresse. Je sais bien que je disais « ma chérie » et que j’avais l’air de penser « sale gamine ». Je ne t’ai jamais chérie et je n’ai jamais su le dissimuler. Mais qui s’en souciait, à part toi et moi ?
A la mort de sa mère, Paloma hérite d’une maison délabrée dans les Cévennes et d’un cahier, confessions tardives d’une mère mal-aimée et mal-aimante. Cette lecture signe pour Paloma le début d’une reconstruction aussi réelle que symbolique qui s’inscrit dans la pierre, la lauze et le corps de Jacques.
Je veux respirer ta peau, jusqu’à épuisement.
Dans cette adresse sensuelle et sensible à Jacques, l’histoire de Paloma se recompose au fil des lettres et des rencontres. Peu à peu, dans ces paysages cévenols âpres et apaisants, une tribu se crée autour de Paloma qui convoque son passé, nourrit le présent et dessine les contours d’un futur incertain mais enfin désiré.
SUIZA
Folio – 2020
Le jour apparaissait derrière les volets, les coqs appelaient depuis longtemps. Ramon n’allait pas tarder. J’ai pris une douche rapide, elle attendait dans la cuisine. Elle patientait sans rien dire, les mains derrière le dos. Je lui ai montré le café, l’eau, la cafetière. Elle faisait oui de la tête. Elle avait l’air plutôt sereine, elle me regardait droit dans les yeux quand je lui parlais, elle était tranquille. C’est moi qui me sentais un peu foireux. Chaque fois que je sortais quelque chose, je lui disais le mot en espagnol, surtout parce que je ne savais pas quoi dire d’autre, que j’étais gêné et que ça meublait le silence pesant. A force, elle finirait bien par en retenir un ou deux.
Suiza veut voir la mer alors elle prend la route sans trop savoir vers où tous ces chauffeurs de camion l’entraînent. Ce sera la Galice et ce bar du village où elle fait le ménage et couche avec le patron qui aime l’humilier. C’est là, de l’autre côté du comptoir, qu’elle croise Tomas.
Je devenais fou, je la sentais. A cause de son odeur, là, qui venait contre moi. Un mélange simple, sensuel et curieux de sueur légère et de lait. Un parfum farineux et sucré de femme, que je n’avais plus en mémoire.
Tomas va l’enlever, la prendre violemment puis l’aimer de tout son être. Un amour absolu les unit peu à peu, un amour à la hauteur de leurs chagrins d’enfance, de leurs destins chaotiques, de tout ce mal qu’ils se trimballent, un amour que Tomas veut éternel.
Tendue de bout en bout, l’histoire de Tomas et de Suiza s’inscrit dans ce désir physique qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Ils découvrent ensemble la jouissance, cet appel des corps qui les lie avec avidité. Une passion intense et douce qui fait imploser les résistances de Tomas. Submergé par une tendresse longtemps contenue, il affirme son amour filial pour Agustina et Ramon, s’affranchit de tout à priori en embauchant Lope et se marie avec Suiza pour toujours.
Quand elle s’en va, je me demande toujours s’ils sont comme ça, les Suisses,
ou si c’est nous qui avons oublié les bonnes manières,
la douceur, la tendresse, la joie même.
Un premier roman bouleversant, sensuel et sensible.