Une embuscade dans les Aurès
Anne Guillou
Skol Vreizh – 2018 – 15 €
Le recteur se dirige vers moi, m’entoure les épaules et me dit
Raymond est mort ! Il a été tué hier dans une embuscade !
Je proteste, crie à la méprise. J’ai reçu une lettre hier !
Non, non, il est mort, insiste le recteur.
Et, s’adressant à mes parents qui échangeaient avec le maire :
La colonne a été attaquée. Ils ont répliqué ! Une balle en plein cœur ! Il n’a pas souffert.*
Le 12 septembre 1960, Anne Guillou, jeune finistérienne de 20 ans, perd son fiancé, officier saint-cyrien tué en Algérie. Dans ce témoignage, l’auteure nous offre une lecture intime et très documentée de ce conflit. A partir des articles du Télégramme de l’époque, de nombreuses archives, de sa mémoire des événements, de son voyage récent en terres algériennes, Anne Guillou, sociologue, retrace l’histoire d’une jeunesse brisée. Les hommes embarqués dans une guerre qui ne dit pas son nom, les femmes qui attendent leur fiancé, leur mari, leur enfant. Une génération de jeunes soldats confrontés à une réalité traumatisante. Une embuscade dans les Aurès est aussi un portrait d’une jeune femme qui apprend à transformer l’épreuve par la connaissance, la perte par l’appel de la vie.
Avec le temps, quand les larmes se sont séchées, quand j’ai vu la reprise des études comme une éventualité, j’ai ressenti un fort désir de vivre et d’enfouir jusqu’au souvenir de mon malheur. Ce qui s’était passé en ce mois de septembre 1960, je ne voulais plus qu’il habite mes pensées et mes journées. Je voulais l’oublier, oublier mon état de quasi-veuve. Je serai seule désormais, mais je vivrai. J’y suis parvenue.*
P.92 & 201, in Une embuscade dans les Aurès
Gaëlle Pairel, coordinatrice de la FCLB