Le Bois Dormait de Rebecca Dautremer
éditions Sarbacane, 2016, 18 euros
Dormir, dormir, d’accord !
Mais 100 ans ?!…C’est un peu long, non ?
On entre dans cet album en douceur…Sur les premières pages se déploie la nature sous le trait délicat de Rebecca Dautremer : un papillon sur un brin d’herbe, une grenouille posée sur un roseau, un lièvre tourmenté par la poussière – et puis, de loin, de très loin, deux hommes surgissent de la page. Un vieil homme et un jeune aux allures de Prince dessinés au crayon. Ils se dirigent d’un pas hardi vers Le Bois. Sitôt franchi l’entrée du bourg, le duo continue d’évoluer juste crayonnés sur le blanc de la page à gauche quand sur la droite, apparaît en couleur cet étrange village dormant.
Ici, tout le monde est endormi, longs corps arrondis, figés dans des postures improbables,
balayés par le vent et le temps qui ne cessent de passer.
Moi, je me demande si les gens ne font pas semblant.
Peut-être qu’ils sont trop fatigués, et qu’ils n’ont plus ENVIE de bouger ?
Ou peut-être qu’ils ont peur…
Le mariage constant du rouge et du bleu colore le dessin et livre des ambiances tantôt passées, impressionnistes tantôt vives et lumineuses. Les genres esthétiques comme les époques se mêlent et composent des tableaux liés les uns aux autres par des détails subtils. La grâce et la nostalgie se dégagent de chaque illustration où l’humour est distillée au détour d’un panneau, d’une affiche, de la position parfois acrobatique de ces corps assoupis. La mélancolie qui se dégage de cet album est contrebalancée par le monologue, souvent drôle, du vieil homme qui nous interpelle en permanence pour tenter de comprendre la situation et conjurer ses angoisses à défaut de conjurer le sort. Il semble que cette relecture ludique de la Belle-aux-Bois-dormants interroge l’immobilisme d’aujourd’hui avec ironie, douceur et poésie. Que faut-il faire ? demande le vieil homme. C’est le jeune homme qui trouve la solution en quittant subitement la page blanche pour écrire sa part d’histoire en couleur.
Et si les adultes laissaient les jeunes croire à leurs rêves ? Et si, effectivement, l’amour pouvait réveiller le monde de sa torpeur ?Gaëlle Pairel, coordinatrice de la Fédération des Cafés-librairies de Bretagne